Ŕ propos de Carmelo

Proposition d'initiative populaire
pour l'abolition de la peine
de la réclusion à perpétuité («ergastolo»)
(article 22 du Code Pénal italien)


La Constitution italienne établit que :

Article 27 : Les peines ne peuvent consister en des traitements contraires aux sentiments d’humanité et elles doivent avoir pour but la rééducation du condamné.
Article 50 : Tous les citoyens peuvent adresser des pétitions aux Chambres pour demander des mesures législatives ou pour exposer des besoins d’intérêt commun.

La réclusion à perpétuité est plus atroce que n'importe quelle autre peine, car elle tue la personne tout en la laissant vivante, et c’est une peine beaucoup plus longue, douloureuse et inhumaine que la peine de mort. Souvent un détenu condamné à perpétuité, un « homme d'ombre », croit être mort même s'il est vivant, car il vit une vie sans vie. Aucun être humain ne devrait avoir le droit d’enfermer un autre individu à vie dans une cage. On peut ôter la liberté à une personne, mais non pour toujours. Pour ces raisons, l'emprisonnement à perpétuité, une « peine de mort vivante », est plus atroce et plus inhumain que toutes les autres morts.
Puis, dans certaines conditions, la loi italienne prévoit que les condamnés à perpétuité n’aient aucune possibilité d’aménagement de leur peine («ergastolo ostativo») (art. 4 bis O.P), ce qui exclut l'accès aux mesures alternatives à l'incarcération et donne lieu à une peine qui n'aura jamais fin. Cela impose de choisir entre deux maux : soit rester en prison jusqu'à sa mort, soit faire incarcérer un autre à sa place.*
Et il faut vraiment beaucoup d'inhumanité et de méchanceté pour envoyer une personne pourrir dans une cellule pour toujours, car lorsqu'on n'a plus aucun espoir, c'est comme si l'on n'avait plus de vie. Le fait de laisser une personne en prison alors que ce n'est plus nécessaire est un crime contre l'humanité. Toute personne devrait avoir droit à l'espoir, et il y en a un pour tous, sauf pour les « hommes d'ombre ».

Si vous pensez qu'un condamné à perpétuité devrait sortir de prison parce qu'il le mérite et non parce qu'il a profité de la loi à son avantage, et qu'une peine sans fin est une véritable torture qui humilie la justice, la vie et Dieu,

si vous pensez qu’un homme ne peut être considéré comme méchant et coupable toute sa vie, et qu'une peine, pour être juste, doit avoir un début et une fin, car une condamnation qui ne se termine jamais ne pourra jamais rééduquer personne,

si vous croyez qu’après de nombreuses années passées en prison, l'individu qui est en train de purger sa peine n'est plus le même que celui qui a commis le crime, et qu'en le gardant en prison on finit par punir une autre personne qui n'a plus rien à voir avec le crime en question, parce que cet individu a changé,

si vous pensez que le pardon fait plus mal que la vengeance parce que le pardon oblige l'individu à avouer qu'il n'y a aucune justification pour ce qu'il a fait,

si vous savez qu'en Italie il y a des jeunes condamnés à perpétuité qui étaient adolescents quand ils ont été arrêtés, et qui vont finir par vieillir et mourir en prison, sans aucune autre possibilité de réparer le mal qu'ils ont fait, et que l'Italie est le seul pays au monde qui prévoie que dans certains cas les condamnés à perpétuité n’aient aucune possibilité d’aménagement de leurs peines.

si vous êtes d'accord avec tout cela, adhérez à cette proposition d'initiative populaire pour l'abolition de la peine d'emprisonnement à perpétuité.

 

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* Il s'agit d'une loi italienne qui prévoit des aménagements de la peine et la sortie de prison uniquement pour ceux qui contribuent à faire arrêter d'autres personnes : de fait, c'est une sorte d'échange de place dans la cellule de la prison entre la personne qui dénonce et celle qui est arrêtée suite à ses accusations.

 


Qu'est-ce que l'«ergastolo ostativo» en Italie?

C'est l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité d’aménagement de peine.
Il s'agit d'une peine sans fin basée sur l'art. 4 bis du Règlement pénitentiaire italien et sur sa modification par la loi 356/92, lesquels disposent qu'aucune mesure alternative à l'incarcération et aucun bénéfice pénitentiaire ne sont prévus pour les détenus qui ont été condamnés pour des crimes organisés.
«Peu de gens savent qu'en Italie la peine d'emprisonnement à perpétuité existe en deux versions: d'une part, l'«ergastolo» simple, qui manque d'humanité, de proportionnalité, de légalité, d'égalité et de fonction éducative, mais laisse au moins une lueur d'espoir; d'autre part, l'«ergastolo ostativo», qui laisse l'individu en vie en lui ôtant tout espoir, ce qui équivaut à une condamnation à mort.
Pour mieux comprendre cette question, il faut faire référence à la loi 356/92, laquelle introduit dans le système d'éxécution des peines d'emprisonnement une sorte de double voie; en effet, pour certains crimes considérés comme particulièrement dangereux pour la société, le législateur a prévu un régime spécial qui consiste à exclure les condamnés du traitement hors les murs sauf s'ils coopèrent avec la justice: pour cette raison, beaucoup de détenus condamnés à perpétuité ne peuvent profiter d'aucun bénéfice pénitentiaire et sont de fait condamnés à mourir en prison.
Le condamné à perpétuité d'autrefois, tout en subissant la torture de l'incertitude, nourrissait à tout moment l'espoir de ne pas mourir en prison; maintenant, cette possibilité n'existe même plus.
Depuis 1992 il y a en Italie l'«ergastolo ostativo», l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité d'aménagement de peine. En d'autres mots, la peine de mort en vie.»
Pour résumer, avec l’ergastolo ostativo le détenu va rester en prison toute sa vie; c'est une peine que l'on prescrit aux individus qui ont fait partie d'un groupe criminel organisé et ont participé à un meurtre quel qu’ait été leur rôle (exécuteur matériel ou simple complice). L’adjectif «ostativo» désigne la négation de tout bénéfice pénitentiaire (permissions de sortir, semi-liberté, libération conditionnelle...) à moins que l'on ne collabore avec la justice pour faire arrêter d'autres personnes.
On entend souvent parler des «repentis», alors qu'en réalité il faudrait les appeler tout simplement «collaborateurs de justice», parce qu'il est évident que si la collaboration est un choix processuel, le repentir est plutôt un état d'esprit. La collaboration permet de sortir de prison, mais elle ne prouve aucunement que la personne s’est véritablement repentie. En réalité, ce sont plutôt les années passées en prison, dans la réflexion et la souffrance, qui mènent à une réflexion intime sur les erreurs commises dans le passé. Cela est tout à fait possible, bien que les détenus soient abandonnés à eux-mêmes par un système carcéral qui ne favorise nullement la rééducation et qui nie tout espoir de réinsertion sociale à ceux qui sont condamnés à perpétuité.
Chaque semaine, nous rencontrons des dizaines de personnes condamnées à la prison à vie, sans espoir, exclues des bénéfices pénitentiaires; des personnes qui sont en prison depuis 1979, des hommes de 40 ans qui ont été condamnés à 18 ans et qui ne sont jamais sortis de prison, même pour l'enterrement de leur père. Des hommes qui ont vécu la majeure partie de leur vie en prison et non à l’extérieur.
En Italie, il y a plus de 100 détenus condamnés à la prison à perpétuité qui ont déjà dépassé les 26 ans de prison nécessaires pour accéder à la libération conditionnelle. La moitié de ces 100 détenus a même passé plus de 30 ans en prison.
Le 31 décembre 2010, il y avait 1 512 détenus condamnés à perpétuité en Italie; dans les seize dernières années, ce nombre a quadruplé, alors que la population carcérale «commune» a «seulement» doublé.
Au 31 décembre 2010, on comptait 67 971 détenus dans les prisons italiennes et un peu plus de 900 en régime de semi-liberté, dont seuls 29 étaient des condamnés à perpétuité. 29 sur 1 512, dont presque 100 en détention depuis plus de 26 ans: la certitude de la peine existe bel et bien en Italie!
Lors du colloque «Carceri 2010: il limite penale ed il senso di umanità» - La prison en 2010: la frontière pénale et le sentiment d'humanité (Rome, 28 mai 2010), Paolo Canevelli, président du Tribunal de l'application des peines de Pérouse, a déclaré:
«(...) Pour conclure - et là, je rejoins les projets de réforme du Code Pénal - je ne sais pas si les temps sont mûrs, mais un jour il faudra bien mener une réflexion sur la prison à perpétuité. Car il est vrai que la prison à perpétuité prévoit des correctifs éventuels, avec des mesures comme la libération conditionnelle entre autres, mais aujourd'hui en Italie il y a un nombre énorme de détenus qui se font condamner à la prison à perpétuité suite à des crimes pour lesquels aucun aménagement de peine n'est prévu; de fait, ce sont des personnes que l'on condamne à mourir en prison.
À ce sujet également, je crois qu'il faudrait entreprendre des initiatives prudentes pour aller vers une ouverture. Dans le cadre d'un système constitutionnel qui prévoit la rééducation et l'interdiction des traitements contraires aux sentiments d’humanité, nous ne pouvons pas accepter de laisser inchangée cette peine perpétuelle. Celle-ci est en effet absolument assurée pour certaines catégories de criminels, puisqu’actuellement il n'y a pas d'espaces possibles pour des issues alternatives.»
Dans ses cours universitaires, Aldo Moro alertait les étudiants, mais peut-être aussi le législateur et les politiciens :
«N'oubliez jamais que la peine n'est pas une vengeance privée, enragée et démesurée, mais une réponse équilibrée donnée par le système juridique. Elle se caractérise donc par le même sentiment de la mesure qui est propre à toutes les actions des pouvoirs publics, lesquelles ne peuvent être livrées aux instincts de réaction et de vengeance, mais doivent être sereinement proportionnées à la seule, stricte nécessité de répondre au crime par une peine inspirée par l'équité.»
* Extrait de l'introduction de G. Angelini e N. Bizzotto (association Communauté Papa Giovanni XXIII) au livre Les hommes d'ombre de Carmelo Musumeci.


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La prison à perpétuité est une peine sans fin basée sur l'art. 4 bis du Règlement pénitentiaire italien et de sa modification par la loi 356/92, lesquels disposent qu'aucune mesure alternative à l'incarcération et aucun bénéfice pénitentiaire ne soient prévus pour les détenus qui ont été condamnés pour des crimes organisés.
Ceci s’applique aussi à des détenus qui, dans des situations reconnues par certains éducateurs et juges – tel Carmelo Musumeci – devraient sortir de la prison parce qu'ils sont visiblement «récupérés», comme le voudrait l'article 27 de notre Constitution).

Coupable et malveillant à jamais
«Garder rancune équivaut à avaler du poison tout en espérant que l'autre périsse» (William Shakespeare)
Le Tribunal de l'application des peines de Pérouse, en écrivant à mon sujet, évoque «[...] l'engagement du détenu dans des formes de participation à la vie de la prison qui révèlent des capacités communicatives hors du commun. On notera également la détermination qu'il a montrée en promouvant une campagne d'information et de réflexion au sujet de la prison à perpétuité sans aménagement de peine (a priori, sans fin, sauf en cas de collaboration avec la justice). Pour cela, il s’est fait connaître dans le domaine culturel, politique et juridictionnel.»
Le «groupe sur le traitement des prisonniers» («gruppo trattamentale» : groupe d'évaluation formé par des éducateurs, des psychologues et des commissaires, ainsi que par la direction de la prison) écrit à mon sujet:
- Les aspects positifs prévalent. Il est impliqué concrètement dans toutes les initiatives récréatives et culturelles qui sont organisées. Le 19.05.2011, il a reçu un éloge pour la motivation qu'il a montrée tout au long de son parcours d'études ; le 24.05.2010, il en avait reçu un autre pour la motivation qu'il avait montrée lors d'une représentation théâtrale. La participation à plusieurs concours littéraires nationaux lui a valu des jugements positifs, des appréciations et des prix de la part de personnalités de la collectivité externe. Récemment, une nouvelle de Musumeci a été publiée dans l'anthologie «Racconti dal carcere» (Nouvelles de prison), chez Arnoldo Mondadori Editore. Particulièrement intéressé par des sujets de société, il travaille depuis longtemps avec plusieurs associations actives dans le domaine du «système carcéral». Il montre un intérêt profond pour les sujets traitant de questions sociales et des problématiques liées à l'expérience » de l'emprisonnement. Depuis longtemps le détenu s'est engagé dans un parcours d'introspection critique sans déformations ni simplifications: sans doute ce parcours a-t-il été encouragé par l'étude des disciplines du droit, par une compréhension différente de la notion de légalité, par la disponibilité à s'impliquer dans des actions réparatrices au sein de la Communauté Giovanni XXIII, et par un profond investissement positif vis-à-vis de sa famille. [...]
Jugement de fiabilité individuelle
(Synthèse, octobre 2011).

Pourtant, malgré tous ces beaux discours de mes «juges» et de mes «éducateurs», je ne pourrai jamais sortir si je ne collabore pas avec la justice et si je n'envoie pas quelqu'un en prison à ma place. Je pose donc cette question: est-il utile d'écrire et de gaspiller des ressources publiques pour un homme coupable et malveillant à jamais, qui doit mourir en prison? Je pense que la décision de ne pas collaborer devrait être un choix intime, un droit absolument personnel et inviolable, et ne devrait nullement entraîner des conséquences pénales (ou de traitement) si graves et définitives. Je pense que ce choix devrait être respecté, et non puni par des conséquences pénales si importantes et démesurées, pour un détenu condamné à perpétuité, qu'on a presque l'impression que la décision de ne pas collaborer est encore plus grave que le crime qui avait été commis. Je pense qu'un homme a le droit de choisir de ne pas collaborer, que ce soit par ses convictions idéologiques, morales, religieuses, ou par la volonté de protéger sa famille.
Je fais des efforts pour évoluer et pour changer tout en restant moi-même. Cela est sans doute une faute grave du point de vue des «gentils», et le prix à payer est de vivre en prison jusqu'à mon dernier jour. Mais en prison, on souffre davantage lorsque l'on a été pardonné; par conséquent, dans un certain sens, nous sommes nombreux qui pouvons nous réjouir du fait que les «gentils» ne nous accordent pas leur pardon.
Carmelo Musumeci
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Pourquoi un homme d'ombre garde-t-il le silence ?

Le crime est déjà une peine en soi. (David Maria Turoldo)
Une correspondance et des liens d’amitié sont nés entre un homme d'ombre – un homme jugé malveillant et coupable à jamais, un condamné à perpétuité qui ne peut bénéficier d'aucun aménagement de peine s'il n'accepte pas de collaborer avec la justice en envoyant quelqu'un d'autre en prison à sa place – et une religieuse cloîtrée du Monastère Dominicain de Pratovecchio.
Sœur Grazia m'écrit:
Les gens me demandent: Pourquoi Carmelo ne parle-t-il pas? Pourquoi ne collabore-t-il pas? Alors, je détourne un peu la discussion, parce que je ne sais que répondre. Dis-moi quelque chose à ce sujet. Dis-moi ce que je dois répondre à ces personnes.
Je lui réponds :
Chère sœur Grazia, je pourrais te dire tout simplement que si je ne parle pas, c'est parce que je n'ai pas envie de devenir un délateur, ou encore, parce que je pense que chacun doit purger sa peine – qu'elle soit juste ou injuste – sans s'acheter sa liberté, et sans utiliser la justice pour envoyer quelqu'un d'autre en prison à sa place.
Je pourrais te dire que je ne veux pas collaborer avec la justice parce qu'on devrait sortir de prison si on le mérite, sans se soumettre au chantage d'un État injuste et hors-la-loi, qui d'abord m'a enseigné à commettre les crimes, et ensuite m'a condamné à être un homme malveillant et coupable à jamais.
Chère sœur Grazia, je pourrais te dire que je ne parle pas parce qu'aujourd'hui les juges me disent que mon ancienne organisation n'existe plus et que mes anciens complices ont refait leur vie en devenant de bons parents, de bons conjoints et de bons citoyens; et donc, pourquoi devrais-je les envoyer en prison?
Je pourrais te dire que je ne collabore pas avec la justice parce qu'il n'y a pas uniquement la loi des hommes, souvent injuste, mais il y a aussi la loi de l'amitié, celle de l'amour, celle du cœur et peut-être aussi celle de Dieu, qui m'interdit de trahir des amitiés anciennes et de faire souffrir d'autres personnes.
Chère sœur Grazia, je pourrais te dire que je ne parle pas parce que je suis la première victime de mes crimes, et que dans tous les cas et quoi qu'il en soit, dans mes actions criminelles jamais je n'ai frappé un innocent.
Je sais, ce n'est pas une justification, mais pour moi cela est important.
Par contre, chère sœur Grazia, je te dis que j'aurais pu collaborer avec la justice uniquement quand j'étais un criminel: maintenant que je me sens une personne meilleure et différente, je ne peux plus faire cela, car ma liberté et mon bonheur ne doivent pas entraîner la souffrance d'autres personnes.
De plus, vingt ans après les faits, cela ne sert plus à rien de mettre les gens en prison; sans compter qu'en prison il n'y a pas de justice: il n'y a que haine et souffrance.
Chère sœur Grazia, comme tu me l'as appris, ce n'est pas la prison mais le pardon qui pourrait nous permettre de devenir meilleurs, car personne ne peut devenir meilleur en prison: on ne peut que devenir pire. Et puis je pense que quiconque envoie un autre en prison à sa place s'auto-condamne à être malheureux.
Chère sœur Grazia, en dernier lieu, je ne parle pas parce que je suis sûr que si tu étais à ma place, tu ferais de même.
Mon cœur et mon ombre t'envoient leur amour.
Carmelo Musumeci

 


Per le traduzioni si ringraziano:

Agnese Pignataro - Traductrice spécialisée français-italien

 Revisione: Aude David